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 Dossier du mois 
Vers une nouvelle finance ?
L'épargne retraite en temps de reprise
La réforme est certes repoussée à l’après-présidentielle, mais les retraites ont évolué ces dernières années. Dynamisée par la loi PACTE et les nouveaux PER (plan d’épargne retraite) défiscalisés, l’épargne qui permet de constituer sa retraite attire ainsi de plus en plus de souscripteurs, dont de nombreux trentenaires.

Jean-Hervé Lorenzi, fondateur du Cercle des économistes et François Pierson, président d’AGIPI, nous éclairent sur les tendances de ces placements. 
 
Jean-Hervé Lorenzi est le fondateur du Cercle des économistes, qui réunit une trentaine d’économistes et d’universitaires. La mission de ce cercle de réflexion est d’organiser et de promouvoir un débat économique ouvert et accessible à tous. Monsieur Lorenzi répond en exclusivité aux questions du FIL AGIPI :
Que pensez-vous des nouveaux PER ?
Jean-Hervé Lorenzi ​​​​ : Laissez-moi d’abord vous dire qu’ils arrivent dans un contexte tout à fait vital pour notre société, celui de la réforme des retraites, ou du moins de la volonté de réforme par le Gouvernement. Jamais je n’ai cru à une réforme par points généralisée, sauf à l’appliquer de manière très pragmatique, étape par étape, en tenant compte des trajectoires de vie. La réforme la plus simple aujourd’hui doit reposer sur deux idées : augmenter le nombre de trimestres travaillés d’une part (avec un minimum revu à la hausse, un système de bonus malus et la prise en compte de la pénibilité) et, d’autre part, le développement de l’épargne retraite. Vu le vieillissement démographique majeur en France, il est nécessaire d’explorer d’autres solutions que le seul système de retraite par répartition actuel, et cela passe par le développement de l’épargne retraite.
Ces nouveaux PER sont donc intéressants car ils devraient permettre le développement de l'épargne retraite à la fois par l’offre et la demande. Côté offre, la diversification des acteurs de ce marché permettra de développer la concurrence entre prestataires, et ainsi de baisser les frais qui pouvaient parfois sembler trop importants. Côté demande, le choc de simplification qu’ont apporté ces nouveaux PER, ainsi que leur régime fiscal favorable, permettent à de plus en plus de Françaises et de Français, y compris les plus jeunes, d’accéder à ces nouveaux produits.
Sont-ils intéressants pour les souscripteurs ?
Jean-Hervé Lorenzi : Le principal intérêt de l’épargne retraite pour les ménages est qu’elle permet de soutenir leurs futures retraites, et ce dans un contexte qui va plutôt vers une dégradation du niveau des retraites. Avec la Chaire “Transitions démographiques, Transitions économiques” (TDTE), et la participation d’Audrey Desbonnet (Maître de conférences à l’Université Dauphine et membre de LEDa) et Thomas Weitzenblum (Professeur d’économie à l’Université du Maine), nous avons simulé en 2018 l'introduction d'une épargne pour la retraite se traduisant par la création d'un fonds de capitalisation permanent. Une contribution de 2 à 3 % des revenus à ce fonds permettrait de limiter de moitié la baisse des pensions prévue et de maintenir une quasi-parité entre le futur niveau de vie des retraités et celui des actifs. L’idée n’est pas d’augmenter les prélèvements obligatoires sur les salaires liés aux retraites, mais de rediriger l’épargne des Français, élevée au regard des autres pays, vers ces dispositifs d’épargne pour la retraite. Ces PER jouent ainsi un rôle de redirection de l'épargne tout en offrant aux Français de meilleures perspectives d’avenir. En effet, l’importance vis-à-vis des souscripteurs est d’abord et avant tout celle de renouer avec la promesse d’un système capable de garantir un niveau de vie correct à la retraite, pour toutes les générations. Que finalement aucune génération ne se sente sacrifiée lorsqu’elle tente de se projeter dans l’avenir. 
Et pour la croissance de l’économie française ?
Jean-Hervé Lorenzi : Le développement de l’épargne retraite est capital pour le développement de l’économie française. Toujours dans l’optique des travaux de la Chaire TDTE, et avec la collaboration cette fois d’Enareta Kurtbegu (Maître de conférences à l'Université d'Angers) et Huyen Nguyen (Maître de conférences à l’Université du Maine), nous avons comparé l'impact des fonds de pension en France et en Suède sur l'économie. Les résultats montrent que les fonds de pension suédois ont un impact positif sur la rentabilité économique des entreprises suédoises — et donc de l’économie en général — ce qui n'est pas le cas pour la France. Cet effet est en partie dû au faible nombre de fonds de pension en France. Développer l’épargne retraite en France permettrait ainsi de redonner un élan à l’économie, en particulier pour le financement des ETI (entreprises de taille intermédiaire). Plus que cela, nous avons aussi montré qu’une forte présence des fonds de pension dans l’actionnariat des entreprises suédoises a eu un effet d’atténuation des cycles, en particulier lors de la crise de 2008. Alors qu’il est encore trop tôt pour en évaluer les effets sur la crise de la Covid, cette présence permettrait au tissu productif français d'être plus résilient, de mieux résister aux chocs. Enfin, une présence nationale plus importante au sein de l’actionnariat des entreprises françaises irait vers des orientations économiques mais aussi sociales et de gouvernance des entreprises plus en phase avec nos ambitions.
Cette épargne peut-elle participer à l’investissement productif ?
Jean-Hervé Lorenzi : Cette épargne peut tout à fait participer à l’investissement productif, à condition d’être investie dans les secteurs stratégiques, d’être fléchée vers les secteurs clés qui porteront la croissance à long terme. Pour cela, nous devons penser aux différentes manières de mettre en lien les différents acteurs de l’épargne retraite avec les grandes orientations économiques de notre pays. Alors qu’une option peut consister au développement d’un fonds de pension public permanent alimenté en partie par les cotisations des actifs, comme il en existe en Suède, au Canada ou encore au Japon, nous pouvons en concevoir d’autres, plus flexibles et très efficaces, comme des partenariats et autres formes de collaboration. Il peut être concevable, par exemple, d’y ajouter un système d’abondement par l’État pour les revenus les plus modestes qui présenteraient un taux d’épargne trop faible. Il faut donc saluer l'initiative du Gouvernement avec la loi PACTE, mais nous devons aller plus loin dans cette optique de développement de l’épargne retraite. Plus que les 300 milliards d’épargne retraite prévus par le Gouvernement d’ici 2022 (contre 200 milliards en 2018), c’est un objectif bien plus ambitieux, de l’ordre de 800 milliards d’euros, qu’il nous faut atteindre pour porter l’économie française. Cela reste réaliste vu l’attrait des Français pour les nouveaux PER, leur épargne à disposition et, surtout, les formidables débouchés d’investissements à long terme qui ne demandent qu’à trouver un financement dans la reprise.  
François Pierson est le président d’AGIPI. Il répond aux questions du FIL AGIPI : 
Comment se porte le nouveau plan d’épargne retraite ?
François Pierson :  Selon les chiffres publiés par la Fédération française de l'assurance, 3,8 millions de personnes ont déjà ouvert un PER, un chiffre bien supérieur aux 3 millions de souscriptions qu’attendait Bercy pour la fin 2022.
Quant aux encours, ils s’élèvent à 29,4 milliards d'euros pour les PER individuels et à 12,6 milliards d'euros pour les PER collectifs. Le PER s’est donc bien installé comme le produit de référence pour se constituer une retraite supplémentaire.
Quelle analyse portez-vous sur ce nouveau produit ? 
François Pierson :  Les PER respectent la volonté de simplicité que nous avions aussi souhaitée lors des consultations publiques du Gouvernement.
Il s’agit d’un produit unique, accessible à tous, quel que soit le statut professionnel du souscripteur. Les conditions de déductibilité des versements ont été maintenues et de nouvelles conditions de sortie avant la retraite ont été introduites, ce qui offre plus de souplesse aux épargnants.
Au moment du départ en retraite, de nouveaux choix ont été ouverts, dont la sortie en capital pour tous les versements volontaires, ce qui constitue là encore une grande avancée. Enfin, il permet une grande diversité de placements financiers.
Il s’agit donc d’un produit de retraite supplémentaire particulièrement attractif pour l’ensemble des épargnants, à la fois facile d’accès, et adaptable selon les situations individuelles. Nous avions aussi milité, par l’intermédiaire de la FAIDER*, pour que ce nouveau produit soit souscrit par des associations d’épargnants telles qu’AGIPI, qui ont pour mission de défendre leurs adhérents. Le Gouvernement a entendu nos arguments, confirmant ainsi le rôle primordial accordé aux associations.
AGIPI a toujours été un acteur de premier plan en épargne-retraite. Est-ce toujours le cas ? 
François Pierson :  Cela est toujours le cas. AGIPI est l'un des principaux acteurs de la collecte nationale pour le PER individuel. 
Nous sommes heureux que les épargnants continuent de choisir AGIPI pour préparer leur retraite ; cela confirme la qualité et l’attractivité de notre offre.
Fidèle à notre volonté d’offrir un produit complet et performant, notre contrat FAR PER intègre le fonds euro-croissance, que nous avons été les premiers à lancer sur un contrat de retraite supplémentaire. Ce support, qui répond au besoin d’épargne performante et sécurisée, est aujourd’hui particulièrement adapté à l’horizon de placement des contrats de retraite. J’ajouterais que le FAR PER est, comme nos offres épargne et retraite, très orienté vers l’intégration de l’investissement responsable, une demande forte de nos adhérents depuis plusieurs années. Notre objectif en 2022 est de proposer près de 90 % de nos encours en unités de compte (UC)** sous label responsable. Nous proposons également une unité de compte carbone compensée, ainsi qu’une gestion pilotée ESG (environnement, social et gouvernance). 
Un mot de conclusion ?
François Pierson :  Un des aspects de la loi PACTE était aussi de promouvoir l’investissement local ou dans des PME et ETI françaises pour participer à la relance.
Ces thématiques sont également importantes pour AGIPI, et déjà intégrées dans tous nos contrats d’épargne et de retraite.
Notre unité de compte Agipi Régions Solidaire**, par exemple, est dédiée à l’investissement local et à la promotion du tissu économique régional français. Elle est labellisée « France Relance » et accessible à tous nos adhérents.
 
* FAIDER : Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite

** L'investissement sur les supports en unité de compte comporte un risque de perte en capital. Les montants investis sur les supports en unité de compte ne sont pas garantis par l'assureur, qui ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte.